Dans la deuxième partie de notre entretien, Safaa El Tayeb El-Kogali, chef de service au pôle mondial d’expertise en Éducation de la Banque mondiale, revient sur les initiatives engagées pour améliorer l’enseignement public à tous les niveaux d’étude dans les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), et souligne l’importance pour tous les enfants de pouvoir aller à l’école, surtout dans les pays touchés par un conflit.
Question : la Banque mondiale agit-elle en faveur de l’éducation des réfugiés dans la région MENA ?
Réponse : au Liban, nous nous efforçons, avec le gouvernement et nos partenaires, d’augmenter les possibilités de scolarisation des enfants syriens réfugiés. Cela passe par la fourniture de manuels scolaires, de fonds pour acheter du mobilier et réparer les infrastructures, de financements des voyages scolaires et des équipements sportifs et bien d’autres choses qui enrichissent l’expérience scolaire et rendent l’apprentissage amusant. Grâce à cette aide et d’autres formes de soutien, le ministère libanais de l’Éducation a pu ainsi augmenter le nombre d’enfants syriens réfugiés scolarisés dans le système public, de 14 000 en 2011 à 123 000 l’année dernière.
Q. Pourquoi accorder tant d’importance à la scolarisation des enfants touchés par un conflit ?
R. Les personnes victimes de conflits ou forcées de quitter leur foyer subissent un stress énorme, encore plus dur pour les enfants qui ont du mal à comprendre ce qui se passe autour d’eux. L’école leur propose un semblant de normalité, un environnement protecteur loin du chaos et, surtout, l’occasion d’apprendre. Selon une recherche sur la scolarisation et les déplacements menée dans la région du Darfour, au Soudan, les enfants âgés de 7 à 9 ans considéraient que l’école leur permettait d’oublier un peu les horreurs de la guerre, constituant une sorte de bulle apaisante — un sentiment partagé par les parents pour qui l’école peut servir d’abri à leurs enfants en cas de problème. C’est aussi un endroit où se préparer à un avenir meilleur. L’éducation redonne de l’espoir aux enfants comme à leurs parents.
Q. Et pour les écoles d’autres pays de la région MENA ?
R. Après avoir fait le constat que les élèves n’acquièrent pas les fondamentaux (lecture, écriture et calcul), ce qui freine leur apprentissage et limite leurs capacités à maîtriser, plus tard, d’autres compétences, nous mettons l’accent sur les premières années de scolarisation. En Égypte par exemple, 40 % des élèves de cinquième année sont incapables de lire ou d’écrire. Notre programme, l’Éducation au service de la compétitivité (ou E4C), entend aider les pays de la région MENA à consolider l’acquisition de ces fondamentaux dès les premières années de scolarisation. Nous cherchons également à améliorer les relations écoles/parents, pour renforcer la responsabilité des premières et aider les seconds à prendre une part accrue dans l’expérience scolaire de leurs enfants.
Q. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le programme E4C ?
R. Trois grands principes régissent l’initiative E4C : une perspective régionale mais reposant sur des solutions locales à des enjeux clés ; des partenariats élargis et approfondis pour mettre en œuvre les réformes et les activités ; et l’identification d’interventions novatrices et porteuses de transformations. Pour concevoir ce programme, nous avons organisé avec la Banque islamique de développement de larges consultations afin de bien comprendre comment les citoyens, les décideurs, les enseignants et les étudiants perçoivent les grands enjeux de l’éducation dans la région MENA. Nous avons ensuite classé ces différentes questions en cinq grands thèmes : développer l’offre dans la petite enfance ; renforcer l’apprentissage des fondamentaux dès le plus jeune âge ; promouvoir la responsabilité à travers l’information ; améliorer les perspectives et les services d’orientation professionnelle ; et mettre l’accent sur les compétences et les valeurs du 21e siècle.
Q. Vous parlez de perspectives. De quoi s’agit-il ?
R. Le quatrième thème s’attache par exemple à la transition entre l’école et le monde du travail, pour proposer des services d’orientation professionnelle et offrir des débouchés dans la région. Je pense ainsi à un projet de plateforme destinée aux élèves du secondaire et du supérieur où ils pourraient glaner des informations utiles pour leur carrière. Nous réfléchissons également à la création d’un programme régional de stage pour assurer un contact avec le monde du travail. Vu la taille restreinte du secteur privé dans chaque pays, une approche régionale permet de multiplier les options. Nous espérons ce faisant aider les pays à renforcer les services d’orientation au sein des écoles. Notre dernier axe de travail porte sur l’acquisition de ces compétences autres que techniques (qualités humaines, relationnelles, etc.) qui sont indispensables pour obtenir et conserver un emploi au 21e siècle.
Q. Pouvez-vous me parler du réseau d’universités oeuvrant pour améliorer l’éducation ?
R. Le projet de mesure de la gouvernance des universités des pays MENA est un réseau qui rassemble plus de 150 établissements dans huit pays de la région. Il s’agit d’évaluer l’efficacité des établissements en la matière et de partager les meilleures pratiques à l’échelle nationale et régionale. La toute dernière conférence annuelle du réseau était consacrée aux expertises à réunir pour améliorer l’employabilité des diplômés. Le projet de positionnement permet à chaque université de mesurer périodiquement ses avancées, au sein d’un maillage partenarial qui favorise l’implication active de chaque établissement, des organismes publics de tutelle et des organisations internationales concernées.
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