Si à ce jour les pays du sud méditerranéen ont su accomplir quelques progrès face aux défis environnementaux, notamment par le développement des énergies renouvelables, bien des opportunités restent à saisir...
Délégué général de l'Institut de la Méditerranée et secrétaire général du FEMISE, le Dr. Constantin Tsakas esquisse ici des pistes de réflexions pour l'avenir.
La rive sud a fait quelques efforts en termes d'efficacité énergétique (EE) et de développement d'énergies renouvelables (ER), bien qu'il reste encore de nombreuses opportunités pour rattraper le reste du monde. Au milieu des années 2000, la part des ER (hydraulique, éolien, solaire, géothermie) dans la consommation d'énergie primaire restait déjà très en dessous de celle nécessaire pour atteindre l'objectif de la Stratégie méditerranéenne pour le développement durable (SMDD) - l'espoir était d'attendre 7% en 2015.
Hélas, entre 2000 et 2014, on note une croissance annuelle positive de l'intensité énergétique primaire pour des PM comme l'Égypte (+ 0,8%), l'Algérie (+ 0,9%) et la Libye (+ 2,6%) ce qui suggère que ces pays restent des économies de plus en plus gourmandes en énergie par rapport à leur niveau de PIB. Cependant, des pays comme la Jordanie (- 1,4%) et le Liban (- 1,5%), semblent mieux tirer leur épingle du jeu, s'approchant des résultats qu'enregistre l'UE en termes de décroissance de l'intensité énergétique.
Recul des priorités environnementales et stabilité des IDE
À la suite des printemps arabes, la région se trouve avec de nouveaux défis à relever, ce qui suggère que la promotion de l'environnement et des énergies renouvelables a perdu quelques places dans la liste de priorités des pays. Cependant, les énergies renouvelables restent un secteur plutôt stable pour les investissements dans la région, et n'ont pas trop faibli après les révolutions. Entre 2006 et 2015, on estime que la région accueille 7,3 Md € d'IDE et 144 projets (tels qu'enregistrés par l'observatoire ANIMA-MIPO) pour une taille moyenne de 50,7 M €. Malgré la stabilité, cela reste faible, surtout si l'on considère que le PIB de la Tunisie représentait à lui seul 47 milliards de US $ en 2013.
On notera tout de même que l'année 2015 a été une de plus importantes, depuis longtemps, en termes de projets d'IDE annoncés. Cela s'explique notamment par de grandes initiatives d'entreprises des Émirats Arabes Unis et européennes qui relancent des projets de plusieurs centaines de millions d'euros, notamment dans le photovoltaïque et l'éolien, plus particulièrement en Égypte.
L'économie verte dans le sud méditerranéen
L'économie verte peut produire des impacts économiques significatifs en termes de production (directe et induite) et de création d'emplois. À titre d'exemple, une étude FEMISE (2013) a estimé qu'une industrie du CSP (Plants solaires concentrés) au Maroc pourrait avoir un effet global sur le PIB marocain de l'ordre de 1,27 % à 1,77 % jusqu'à 2050, créant plus de 200 000 emplois.
Mais de nombreuses barrières persistent, notamment le manque de ressources financières internationales ou locales, associé à une prime de risque élevée. En outre, les barrières politiques sont importantes et l'absence et/ou l'instabilité du cadre fiscal et législatif pour le développement de CSP se font toujours sentir.
Pistes de réflexion et recommandations
Les gouvernements des pays du Sud de la Méditerranée devraient songer à devenir des véritables partenaires qui co-construisent l'intérêt écologique en se basant sur les acteurs locaux et en ouvrant la voie vers une économie verte. L'impulsion donnée par la multiplication d'accords territoriaux entre l'État et les territoires sur des actions qui favorisent un développement durable permettrait de consolider un cadre de gouvernance multi-niveaux.
En outre, on peut imaginer que l'État appuie davantage des projets écologiquement durables qui répondent aux besoins réels des territoires à risque environnemental. Des diagnostics territoriaux seraient nécessaires pour faire des territoires un « axe d'une réorientation de l'économie vers un développement local durable ». Ces diagnostics pourraient ensuite ouvrir sur des pactes territoriaux de relance réunissant tous les acteurs participant au développement durable des territoires et régions.
Outres ces recommandations sur le plan politique, il s'agirait plus généralement d'avoir une orientation qui permette d'exploiter des opportunités dans le secteur privé. Ces possibilités ne se limitent pas à un secteur en particulier, mais les secteurs manufacturiers, la finance et l'assurance, la construction et les activités professionnelles, scientifiques et techniques, se distinguent.
Enfin, il faudrait que les PM exploitent leurs points forts en termes d'EE et ER. Ils représentent un potentiel solaire élevé (irradiation), des faibles coûts de main-d'oeuvre d'employés non qualifiés, une industrie locale émergente, et le fait que pour l'Europe le développement de l'économie verte en Méditerranée - par exemple de l'industrie solaire - serait une véritable valeur ajoutée.
Par le Dr. Constantin Tsakas - Source de l'article La Tribune
[1] Le Dr. Constantin Tsakas est l'auteur principal du chapitre La région Sud-Med post-Printemps arabes et les potentiels pour l'environnement du rapport ÉNERGIES 2050 [2] Les défis du changement climatique en Méditerranée, publié le 15 Novembre 2016 à l'occasion de la conférence internationale COP22 de Marrakech.
[2] ÉNERGIES 2050 est une association française basée à Nice. ÉNERGIES 2050 entend notamment promouvoir et encourager la maîtrise de la demande en énergie : la sobriété énergétique, l'efficacité énergétique et le développement des d'énergies renouvelables.
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